- Histoire
- Graphisme
- Jouabilité
- Bande-son
- Durée de vie
Développeur/Éditeur : Media.Vision/Square Enix
Support(s) : PlayStation Mobile (PS Vita), mais aussi iOS et Android il y a des lustres
Type de jeu : RPG coupe-faim et indolore
Date de sortie en France : 24 juillet 2013
Poids : 653 Mo
Prix : 7,99€
Chaos Rings est un jeu dont les possesseurs de consoles traditionnelles s’étaient éperdument fichés lorsqu’il sortit en 2010 sur plates-formes iOS et Android. Maintenant qu’il est disponible sur PS Vita via la section PlayStation Mobile du PSN, ce qui m’a permis de le tester en profondeur dans de bonnes conditions, promis, je ne me moquerai désormais plus des RPG venus « d’ailleurs ».
C’EST PAS FORCÉMENT MIEUX AVEC LES DOIGTS
Depuis quelques années, jouer à un RPG signé Square Enix équivaut presque à se livrer à une partie de roulette russe, à la différence près que perdre ne vous fait pas manger les pissenlits à l’envers mais égratigne un peu plus la confiance que vous pouviez avoir en le savoir-faire de l’éditeur en la matière. Star Ocean : The Last Hope, Final Fantasy XIII/XIII-2, Nier, Square Enix ressemble aujourd’hui davantage à un intermittent du (beau) spectacle qu’au mastodonte super régulier qui, dans les années 90-début des années 2000, pondait au mieux un chef d’œuvre et au pire un excellent titre à chaque sortie. Ce savoir-faire a-t-il finalement trouvé ses limites, s’est-il progressivement évaporé, ou est-ce la difficulté à programmer sur les consoles HD qui a conduit Squeenix à perdre autant en crédibilité et de sa superbe dans ce qui fut son domaine de prédilection ? Je vais me faire un plaisir de regretter d’avoir utilisé le passé simple dans la phrase précédente, car il m’a fallu passer quelques heures sur le portage PlayStation Mobile de Chaos Rings pour constater avec joie que Square Enix, si on le contraint à utiliser relativement peu de moyens, peut de nouveau nous faire rêver comme à la belle époque.
Pour que ce soit le plus clair possible pour tout le monde, Chaos Rings est un RPG datant à l’origine de 2010, développé par Media.Vision (Wild Arms) et édité par Square Enix, auquel on ne pouvait d’ailleurs jouer à la base que sur plates-formes iOS et Android, c’est-à-dire en utilisant ses mains pleines de gros doigts tout onglés. En arrivant cette année sur le PlayStation Mobile, Chaos Rings devient ainsi compatible avec les devices certifiés PlayStation comme la PS Vita, et avec ses boutons et son manque de RPG en territoire occidental, cette dernière était la machine idéale pour s’essayer à ce titre qui est, à l’heure actuelle, le plus cher répertorié sur le service PlayStation Mobile. On dira que la qualité se paie, mais uniquement si celle-ci est au rendez-vous avec tout plein de jolis rubans dans ses cheveux et un sourire enjôleur signifiant qu’elle est prête à nous en faire voir de belles.
JUSQU’À CE QUE LA MORT VOUS SÉPARE
Je sous-entendais que Square Enix s’était serré la ceinture côté budget, mais ce n’est pas sous l’angle de la radinerie qu’il fallait comprendre mon commentaire. En 2010, les smartphones et appareils tactiles commençaient tout juste à montrer leurs crocs (qui étaient encore de petites quenottes) envers les consoles portables traditionnelles présentes sur le marché, qui étaient alors la DS et la PSP. À cette époque, si un iPhone pouvait faire tourner de la PSone lissée, c’était amplement suffisant pour satisfaire la clientèle, c’est ce à quoi Chaos Rings ressemblait sur iOS et Android et c’est ce à quoi il ressemble toujours sur Vita : à un jeu 32 bits émulé, pour un rendu propre et très agréable à l’œil mais qui n’efface cependant pas les bouillies de pixels formées par certaines parties des environnements 3D, ceux que l’on peut admirer pendant les combats et les quelques cinématiques du jeu.
Pour les déplacements, on a droit à des décors en images fixes dans lesquels se meuvent les personnages en 3D, comme avant. Et ce qui frappe en premier lieu quand on arrive sur le menu nous invitant à choisir notre couple (j’y reviendrai), c’est le character design, à la fois chaud, percutant et reposant pour les yeux. Si les traits et l’allure des personnages vous disent quelque chose, sachez qu’ils sont l’œuvre de Yusuke Naora, soit le directeur artistique de Final Fantasy X, Unlimited SaGa et, plus proche de nous, Final Fantasy Type-0. Un monsieur au grand talent dont les créations, très vite attachantes, contribueront grandement à rendre l’aventure marquante et addictive. Des personnages à la psychologie plus développée qu’il n’y paraît et qui vont s’imbriquer dans un scénario surprenant d’efficacité. Escher et Musiea, Eluca et Zhamo, Olgar et Vahti, Ayuta et Mana, Garrick et Alto (futurs parents, piochez dans cette liste qu’on rigole), tous ces duos vont être rassemblés lors d’une mystérieuse éclipse en un endroit appelé l’Arche. Un individu cosplayant mal les juges de Final Fantasy XII (et appelé l’Agent) leur apprend qu’il devront se battre entre eux pour gagner la vie et la jeunesse éternelles, le tout dans les règles bien entendu. Tout le monde flippe un peu car l’Agent se montre très flou sur un possible retour à la maison en cas de victoire. Ambiance, ambiance.
COLLÉS-SERRÉS
On a donc le choix en tout début de partie entre quatre couples sur les cinq qui vont débuter l’aventure, le dernier ne comptant pas puisqu’il disparaît rapidement. Le but premier du jeu va être de s’entraîner suffisamment bien afin de pouvoir vaincre ses rivaux tout frais et empocher la récompense (et leurs compétences bien utiles). L’entraînement se déroulera dans plusieurs donjons où vous combattrez (beaucoup, mais les rencontres pourront être évitées assez tôt dans l’aventure) et résoudrez des énigmes (plus rares). Après avoir sélectionné le donjon voulu, on vous demandera de choisir le niveau de difficulté des combats, qui s’échelonneront en dix paliers au total (niveaux 1-10, puis 11-20 et ainsi de suite jusqu’au niveau 100). Lors de votre premier passage dans un donjon, vous aurez principalement à vous défaire de deux boss puis serez ramené à l’entrée de l’Arche pour faire la causette à vos futures victimes et faire quelques emplettes chez le marchand macho du coin. Avant de repartir pour un autre donjon, etc… Ces derniers s’avèrent variés et agréables à traverser, nous donnant même l’impression d’évoluer dans Chrono Cross de par les environnements choisis (bord de mer, immeuble futuriste), mais aussi surprenant que cela puisse paraître, aucun membre de l’équipe de développement de ce RPG culte n’a apparemment participé à la conception de Chaos Rings. Souvenez-vous en bien quand vous ferez face à l’un des derniers boss du jeu, car c’est votre destin d’arriver jusqu’à lui. Chaque donjon comprend (de mémoire) quatre puzzles aux règles souvent changeantes (par exemple allumer tous les feux de la salle avec un nombre limité d’essai ou atteindre la sortie en déplaçant des blocs sans se retrouver coincé), des respirations sympathiques, bien trouvées et qui ne vous retiendront jamais longtemps (à l’exception de quelques-unes).
Comme dans tout bon RPG Square Enix qui se respecte, les combats ne font pas comme tout le monde. Lorsqu’un affrontement débutera, vous aurez à choisir entre vous la jouer solo avec vos deux personnages ou bien opter pour une attaque commune, qui fera plus de dégâts que deux attaques séparées mais qui pourra vous mettre en danger. En effet, dans ce cas de figure et pendant toute la durée du tour, votre couple sera considéré comme un seul perso par l’ennemi, c’est-à-dire que toutes les attaques viseront automatiquement les deux personnages. Il ne s’agira donc pas de partir à l’abordage main dans la main si les ennemis sont deux ou plus et que vos HP n’ont que trois chiffres. À l’inverse, les capacités passives apprises par un personnage seront également effectives sur l’autre, comme un regain de HP à chaque tour ou un blocage aléatoire des attaques physiques. L’issue des combats pourra aussi être déterminée par l’usage de différentes compétences, dont l’obtention se veut relativement originale car il suffira de tuer un ennemi pour récupérer une compétence (ainsi que la plaque de gênes correspondante si c’est la première fois que vous vous en prenez à lui). Ça ne fonctionne pas toujours et l’astuce pour s’assurer un bon taux de réussite est en fait de vaincre des ennemis au niveau plus élevé que le vôtre. Ensuite, direction le menu Équiper pour choisir la ou les plaques qui vous intéressent (trois emplacement maximum), sachant que vous pourrez apprendre jusqu’à six compétences par plaque/type d’ennemi (souris, dragon, panda, tigre…).
VILLAGEOISE, GALAK ET ON EST REPARTI !
Autre élément déterminant à ne pas regarder de haut la première fois que vous le verrez, la jauge d’avantage. Elle est représentée par un cercle gradué en haut à gauche de l’écran. Au début du combat, la jauge est neutre, et le premier coup donné donnera l’avantage au camp concerné. Si c’est vous, cela signifie, entre autres, que vous frapperez plus fort et que vous aurez plus de chance d’esquiver les attaques. Mais l’ennemi pourra de nouveau avoir l’avantage s’il arrive à toucher vos deux personnages en même temps ou s’il réussit un coup critique (et s’il met KO l’un de vos persos, j’en parle même pas), et ce suffisamment de fois pour faire disparaître tous vos bâtons bleus, gardiens de votre sécurité et de votre pouvoir. Mais ajoutons qu’il est difficile d’inverser la tendance quand le cercle est quasiment rempli, d’un côté comme de l’autre, et qu’il est assez intelligent de recharger sa partie quand le camp adverse a tout viré au rouge atrophiant ainsi presque définitivement la puissance offensive de votre couple.
J’imagine que lorsque vous lancerez le jeu, vous porterez votre dévolu sur Escher et Musiea, le couple de gauche, et ce sera quelque part la meilleure façon de se faciliter le jeu puisque Escher dispose d’une compétence qui le protègera par moments des attaques physiques ennemies. Mais assez rapidement, vous constaterez que Chaos Rings multiplie les raccourcis vers le God Mode, à commencer par cette régénération des HP après chaque combat, au contraire des MP qui ne seront réinitialisés qu’en revenant à l’entrée de l’Arche. Probablement en raison d’une volonté de ne pas proposer un titre trop hardcore aux possesseurs de tablettes et smartphones, Media.Vision a aussi choisi de rendre les montées de niveau très rapides, tant et si bien qu’en deux-trois heures de jeu avec Escher et Musiea, ils devaient avoir atteint le niveau 30 et, plus grave encore, se montraient quasiment invulnérables à tous les ennemis à venir. Je pouvais même m’amuser à battre sans problème et sans subir le moindre dégât des monstres niveau 91 avec mon duo niveau 76. À ce stade, il va sans dire que les objets, qu’ils soient de soin ou d’attaque, deviennent obsolètes et que Chaos Rings ne redevient « un peu plus dur que d’habitude » qu’avec les autres scénarios, surtout contre quelques boss. Notez également que les compétences apprises de monstres lors de votre première partie seront acquises de base dans les parties suivantes, rendant de ce fait la progression encore plus aisée. Et malgré tout, malgré un déséquilibrage évident de la difficulté, Chaos Rings est une expérience comme j’en ai rarement connue ces dernières années avec un RPG nippon.
DES ANNEAUX POUR LES DÉCHIRER TOUS
La faute tout d’abord à un scénario fichtrement bien écrit, avec un postulat de base qui intrigue immédiatement et des échanges entre les personnages qui ne font que très rarement dans le cliché (les répliques de Piu-Piu sont à ce propos savoureuses). Ce qui me permet de louer ici l’excellente localisation française des textes dont la qualité se vérifie aussi bien dans l’écriture des dialogues que dans le nom de certains ennemis. Les révélations vont crescendo et chaque nouvelle information s’encastre parfaitement dans le schéma que l’on dessine progressivement dans notre tête, et n’allez pas croire que de refaire le jeu avec les trois autres couples après l’avoir terminé une première fois sera rébarbatif et sans surprises. Parce que tous les personnages jouables ont de l’ampleur, et si cela ne se constate pas nécessairement à leur première réplique, ils sauront vous rendre empathique par l’évolution de leur caractère et leurs motivations, chacun éclairant à sa manière les zones d’ombre de l’histoire. Et puis concernant la peur de la répétitivité, bien compréhensible, le jeu est tellement accrocheur et bien fait que l’on repart sans problème pour un second, un troisième et enfin un quatrième run. Chaos Rings fait certes tout pour nous rendre forts et surpuissants très vite, mais on n’y trouve pas vraiment à redire vu qu’il se laisse dévorer à vitesse grand V. S’il nous absorbe et nous retient, c’est bien grâce à son gameplay simple mais bien trouvé, son esthétique admirablement bien léchée et sa cohérence scénaristique. Rien ne semble en effet avoir été laissé au hasard dans ce scénario faisant intervenir différentes lignes de temps, et le CV du scénariste Yukinori Kitajima nous fait regretter qu’il n’ait pas encore été appelé sur un Final Fantasy.
Conçu à l’origine pour des plates-formes peu gourmandes mais n’offrant pas les mêmes performances d’une machine à une autre, Chaos Rings arrive sur Vita dans un portage confié aux chinois de Mineloader Software et à la qualité inégale. Si le jeu accepte désormais un indispensable et plaisant contrôle aux boutons (mais conserve une partie tactile pour les puzzles), il accuse en revanche nombre de saccades pendant les déplacements, et le fait de désactiver les effets visuels tels que la pluie ou la neige n’y changera rien. Honteux pour un titre qui pourrait tourner sans problème sur PSP. Les chargements sont quant à eux assez nombreux mais pas bien longs, excepté celui précédant le premier combat de chacune de vos sessions (comptez plus ou moins 10 secondes). On notera aussi quelques bugs sonores qui n’apparaissent heureusement que peu souvent. Mais mon plus grand regret avec Chaos Rings restera sa soundtrack, à la très belle qualité sonore et qui soutient convenablement l’action, mais sans forte personnalité (mention spéciale cependant au thème musical illustrant l’Océan des origines) ce qui fait que j’ai beaucoup de mal à me souvenir des musiques une fois la Vita éteinte (les voix japonaises rattrapent un peu le tout). Côté durée de vie, Chaos Rings assure avec 6-7 heures de jeu pour le premier scénario et un peu moins pour chacun des trois autres (en affrontant les boss optionnels pas cachés), nous amenant à un total d’un peu plus de 20 heures de jeu. Parfait pour un titre qui peut se savourer par petites sessions et que j’ai personnellement dévoré d’un trait sans pouvoir toucher à un autre jeu durant mon test.
Chaos Rings condense pratiquement tout le meilleur du RPG japonais : une histoire et des personnages passionnants, une direction artistique de grande classe, un gameplay jouissif, un rythme parfait et une durée de vie conséquente, et ce même si le challenge se réduit vite à peau de chagrin, que l’on fait toujours la même chose et que les musiques ne s’impriment pas suffisamment dans notre crâne. Un achat à recommander aux nostalgiques des RPG 32 bits et à ceux qui veulent faire croire à leurs proches qu’ils jouent à Chrono Break sur leur Vita.