Réalisateur : Anthony Chen
Acteurs : Angeli Bayani, Tianwen Chen, Yan Yan Yeo, Koh Jia Ler
Genre : Drame
Date de sortie française : le 4 septembre 2013
Nationalité : Singapour
Durée : 1h39
Classification : Tout public
Le thème de la nourrice qui peine à se faire accepter des enfants dont elle a la charge a été traité maintes fois. Et le plus souvent, sous forme de comédies. Ici, c’est différent. Le réalisateur a pris parti de raconter cette histoire de manière dramatique.
Synopsis: A Singapour, Jiale, jeune garçon turbulent vit avec ses parents. Les rapports familiaux sont tendus et la mère, dépassée par son fils, décide d’embaucher Teresa, une jeune Philippine. Teresa est vite confrontée à l’indomptable Jiale, et la crise financière asiatique de 1997 commence à sévir dans toute la région…
Contrairement à ce que l’on a l’habitude de voir dans ce type de films, les crasses qu’a faites le jeune Jiale sont loin d’être drôles. Car ce jeune garçon âgé d’une dizaine d’années, est certes turbulent et mal élevé, mais il est surtout violent, voire trop intelligent pour son âge. A tel point, qu’il réussit à élaborer des plans tordus comme faire accuser sa nourrice de vol dans un magasin, essayer de faire croire qu’il est battu par l’un de ses professeurs, et j’en passe… De quoi vous passer l’envie de devenir parents.
La mère, quant à elle, est dépassée, car elle n’arrive pas à comprendre l’attitude de son fil, et ne sait plus comment concilier l’éducation de ce dernier, sa grossesse, son travail et son couple. Elle confie alors le jeune garçon à une nourrice Philippine, nommée Terry, qui se fait taper, injurier et maltraiter par l’enfant.
Bien entendu, elle finit par se faire accepter par Jiale. Et cet attachement qu’il éprouve pour Terry ne cesse de grandir.
Anthony Chen a réussi à mettre en scène la complexité des sentiments humains
Notamment en montrant le manque de courage des parents de reconnaître que leur fils a un réel problème de comportement. Ces derniers ne cherchent pas à le comprendre, ni à trouver la source du problème. Ironie du sort : ils en possèdent la réponse sans le savoir. La solution qui s’impose alors pour eux, est de trouver en une tierce personne, un moyen de déléguer leur rôle de parents auprès de Jiale.
La complexité de maintenir une vie de couple épanouie au fil des années est exposé avec pudeur. Mais cela n’empêche pas le réalisateur de jouer entre les non-dits, les mensonges, les difficultés financières, et les divergences d’opinions quant aux évolutions professionnelles.
Ici, Anthony Chen nous livre des personnages hauts en couleurs, avec des caractères bien trempés, grâce à un impressionnant talent de mise de scène. Il n’est pas nécessaire d’entendre les héros s’exprimer par des mots pour comprendre ce qu’ils pensent ou ressentent. Angeli Bayani qui interprète Terry (dont le personnage parle peu de sa vie ou de ses sentiments), a réussi à la rendre expressive par sa gestuelle, ses regards, tout en y mêlant force, douceur, avec une grande fragilité.
Le réalisateur réussit subtilement à intégrer en toile de fond à son film la crise financière qui régnait à Singapour dans les années 90. Mais aussi la condition difficile de ces nourrices qui quittent leur pays, leurs amis, et leurs enfants pour s’occuper de ceux des autres. Avec l’espoir de pouvoir leur envoyer un peu plus d’argent afin de les aider financièrement.
Même si ce film n’a pas de grands effets spéciaux ou de cadrages époustouflants, il n’en reste pas moins émouvant et d’une extrême justesse. La force de ce film est qu’il ne tombe à aucun moment dans le registre pathétique. Ilo Ilo est le premier film singapourien à avoir été récompensé de la Caméra d’Or au Festival de Cannes, et on comprend pourquoi. Ce film est recommandé à ceux qui aiment les films dramatiques, ou les films d’auteurs qui s’intéressent avant tout aux rapports humains. Pour ma part, j’espère que l’on aura le privilège, en France, de voir beaucoup d’autres films aussi magnifiques sur nos écrans.