Réalisateur : Yaron Zilberman
Acteurs : Christopher Walken, Cathrine Keener, Philip Seymour Hoffman, Mark Ivanir…
Genre : Arrête tes violons !
Date de sortie française : 10 juillet 2013
Durée : 1h45
Classification : Tout public
Alors qu’il appartient depuis de nombreuses années à un quatuor renommé, un violoncelliste apprend qu’il est atteint de la maladie de Parkinson. Les émotions de chacun vont alors se libérer, quitte à mettre en péril le groupe…
Synopsis : Lorsque le violoncelliste d’un quatuor à cordes de renommée mondiale apprend qu’il est atteint de la maladie de Parkinson, l’avenir du groupe ne tient plus qu’à un fil. Entre les émotions refoulées, les egos et les passions incontrôlables qui se déchaînent alors, la longue amitié qui unit les quatre virtuoses menace de voler en éclats. À la veille du concert qui célèbrera leur 25e et sans doute ultime anniversaire, seuls leurs liens étroits et le pouvoir de la musique peuvent encore préserver ce qu’ils ont construit.
Dès les premières minutes du Quatuor, la musique classique (principalement composée par Angelo Badalamenti) accompagne les plans sensibles filmant les personnages dans un New-York contrasté. Les rues enneigées se mêlent aux gratte-ciel et au soleil, les murs froids des appartements chics sont éclairés par de petites lampes chaudes, etc. Yaron Zilberman accorde alors ingénieusement l’image et le son, renforçant les émotions de ses protagonistes. En plus de chercher à réjouir les mélomanes, le réalisateur tente de caractériser l’être humain à travers sa vie quotidienne et son art. Comme si nous nous trouvions dans les coulisses avant le début du concert, le spectateur se met ainsi à observer les virtuoses du quatuor La Fugue, en répétition mais aussi séparément. Les tensions se créent, les égos prennent le dessus et les émotions refoulées refont surface. Alors que la maladie de l’un (Christopher Walken) n’est que le commencement d’une descente aux enfers générale, Zilberman met en parallèle l’Homme dans sa plus profonde bêtise et dans son plus grand génie, par le prisme de Ludwig Van Beethoven et de son immense Opus 131 que les personnages interprètent.
L’amour du cinéaste pour la musique devient vite contagieux, notamment grâce à sa façon assez belle de filmer ses instrumentistes (bien que l’on voit que les acteurs ne savent pas maîtriser leur violon, alto ou violoncelle). Imprégnant le long-métrage pour lequel elle ne sert pas que de prétexte, elle est la vie des personnages, comme l’illustre la fille de Robert (Philip Seymour Hoffman) et de Juliette (Cathrine Keener). Alors que leur couple est au plus mal, elle leur reproche d’avoir été des parents absents, privilégiant leur passion et leur métier à leur enfant. Certaines de ces scènes de dispute sont véritablement pertinentes et réussies, mais à force de trop vouloir accentuer sa psychothérapie des artistes, Le Quatuor montre ses faiblesses scénaristiques. Les dialogues manquent parfois de naturel et souvent d’originalité, obligeant Zilberman à constamment pousser son film vers le pleurnichard. Les histoires de cœur auxquelles on assiste finissent par lasser. Le réalisateur semble ainsi oublier pendant une bonne partie du film le génie de l’humain qu’il cherchait à représenter au milieu de toutes ses complexités de vie.
Yaron Zilberman s’avère alors endosser totalement le fait que son Quatuor repose essentiellement sur sa brochette d’acteurs. Philip Seymour Hoffman nous déballe une immense générosité qui se ressent dans son personnage. Catherine Keener, sous son air de femme forte, laisse le vernis se craqueler petit à petit pour dévoiler ses émotions. Mark Ivanir joue dans une incroyable retenue qui apporte au final de la profondeur. Enfin, Christopher Walken, malgré son coup de vieux assumé, est absolument magistral et reflète avec beaucoup de justesse la maladie de Parkinson. Ces quatre-là tentent comme ils peuvent de sauver les scènes insipides et transcendent les autres. Ils ramènent avec la musique la sensibilité que le scénario n’offre plus. On peut être d’autant plus déçu de ses maladresses que le film se conclut de manière assez impressionnante, sublimant la musique comme les sensations des protagonistes. C’est en cela que Le Quatuor s’éloigne de son modèle artistique qu’est l’Opus 131 de Beethoven : il est certes constitué de plusieurs mouvements différents, sans aucun temps de pause, mais ces derniers se révèlent trop inégaux pour totalement satisfaire, et ce malgré ses fulgurances.
Bel hommage à la musique classique, Le Quatuor l’est un peu moins en ce qui concerne l’humain. Dans sa volonté de contraster la bêtise au génie, il en oublie ce dernier pour un ensemble trop sentimental et pleureur. Reste quelques jolies scènes qui valent le détour, et surtout une passion naissante pour chaque spectateur envers l’Opus 131 de Beethoven !
Qu’on se rassure : ce n’est pas un film musical (j’essaie de comprendre pourquoi la salle était vide).
Il évoque les drames qu’entraîne la cohabitation d’une formation tournant en permanence autour du monde. Le scénariste a manifestement compilé les anecdotes que lui ont racontées les directeurs de festivals, puis les a très habilement tricotées.
Le jeu des acteurs relève du miracle, et la facture est parfaite (ne serait-ce que la synchronisation des gestes avec la musique).
Le happy ending est un peu téléphoné, mais sacrément bien ficelé.
Mémorable !
Jean-Pierre Jumez