Réalisateur : Arnaud Desplechin
Acteurs : Benicio Del Toro, Mathieu Amalric, Gina McKee…
Genre : Moins cher qu’un vrai psy, mas tout aussi pertinent !
Date de sortie française : 11 septembre 2013
Durée : 1h56
Classification : tout public
A l’aide d’un duo d’acteurs magistral, Arnaud Desplechin livre un film calme et universel, mais qui n’en oublie pas de se poser des questions.
Le film s’ouvre sobrement sur l’habituel « Ceci est une histoire vraie ». Si cette accroche a prouvé depuis longtemps son succès au cinéma, permettant au spectateur de constater la réalité et parfois même l’extraordinaire à travers la fiction, Jimmy P. fait partie de ces rares films qui parviennent à justifier son utilisation outre par le domaine marketing. Adapté du livre Psychothérapie d’un Indien des plaines de l’anthropologue Georges Devereux, le long-métrage s’attarde sur le séjour de ce dernier (incarné par Mathieu Amalric et son fort accent européen) au Kansas, où il va faire la rencontre de Jimmy Picard (Benicio Del Toro, absolument poignant), un Indien Blackfoot blessé à la guerre, que les médecins d’un hôpital psychiatrique diagnostiquent comme étant schizophrène. A travers divers entretiens, le psychanalyste va tenter de prouver le contraire…
Bien loin du simple plaidoyer contre la médecine approximative de la première moitié du XXème siècle, Jimmy P. se présente intelligemment comme un film intelligent sur des êtres intelligents. En cherchant à comprendre le traumatisme psychologique de Jimmy, les deux hommes vont converser et se questionner sur de nombreux thèmes, de l’amour à la mort en passant par les rêves. Les dialogues sont écrits avec une grande justesse mais aussi une certaine franchise, alternant pensées personnelles, réflexions sur le monde et moments de révélations purement dramatiques. Arnaud Desplechin (Esther Khan, Rois et Reine, Un Conte de Noël) a toujours été passionné par les êtres « normaux » dont il tente de gratter le vernis de leur âme. La différence avec cette Psychothérapie d’un Indien des plaines, c’est qu’il n’a pas besoin de le faire. De par le profond respect qu’il a pour ses personnages, interprétés avec une subtilité et une fragilité folle par deux acteurs quasi-contraires que l’on aurait dû réunir plus tôt, il lui suffit de les laisser s’exprimer. Le classicisme de sa mise en scène (bien que parfois ennuyeux) prend alors tout son sens. Avec ses plans d’opposition millimétrés et ses champ contre-champ, le cinéaste évite toute forme de voyeurisme pour ne garder que la sincérité.
A (not) dangerous method
C’est alors que Jimmy P. se transforme en film sur l’amitié. Ou comment deux êtres totalement différents vont apprendre à se connaître et s’apprécier, et à se remettre l’un l’autre. Car le plus beau das tout cela, c’est que la guérison ne va pas que dans un sens. Le psy apprend aussi de son patient. On pourra regretter que Desplechin n’est pas suffisamment le temps de développer l’aventure de Devereux avec Madeleine (Gina McKee), son amie mariée, visiblement responsable d’un trouble affectif. Au fil des échanges mais aussi de deux trois séquences de représentation de rêves joliment filmées, le réalisateur cherche de son objectif ce que l’anthropologue appelle « la cicatrice de l’âme », dont l’ombre plane sur tout le film. En avançant à tâtons, le long-métrage agit comme ses protagonistes et se veut lui-même psychologue. Le doute persiste, mais peut-on être sûr de quelque chose en ce qui concerne l’esprit humain ? En plus de dénoncer implicitement les psychologies à deux balles de certains films, Arnaud Desplechin tente de répondre à cette question par une réplique du docteur : « On ne sait jamais quand une psychanalyse se termine. »
Malgré son rythme lent et son air quasi-dépressif, Jimmy P. se montre comme un film optimiste. S’il s’agit de la première production américaine de Desplechin, c’est pour appuyer son propos. Les personnages parlent en anglais pour se comprendre, mais apprennent aussi les dialectes indiens et usent parfois du français. Cette relation forte entre ces deux hommes malades s’universalise donc. La nostalgie, accompagnée de ses décors rétros et de sa campagne américaine dont les couleurs chaudes rappellent parfois le sépia, s’inscrit également dans une œuvre dont la simplicité confère à son efficacité, et ainsi, à son intemporalité. C’est avec ce genre d’histoires, que l’on se réjouit de voir au début : « Ceci est une histoire vraie. »
Émouvant et touchant, Jimmy P. s’inscrit sans peine comme un grand film d’Arnaud Desplechin. Supporté par les prestations magnifiques de Benicio Del Toro et de Mathieu Amalric, il peut ainsi développer moult questions sur la vie et la psyché humaine. L’ensemble est peut-être un peu long mais l’ambition mérite d’être félicitée, d’autant plus qu’en ressortant de la salle de cinéma, il est possible que vous vous questionnez sur vous-même et sur votre vie. C’est cela, aussi, la puissance du cinéma !
Bande-annonce Jimmy P.
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