Réalisateur : Patrick Hughes
Acteurs : Sylvester Stallone, Jason Statham, Arnold Schwarzenegger, Mel Gibson, Antonio Banderas, Harrison Ford, Wesley Snipes…
Genre : Troisième comeback
Date de sortie française : 20 août 2014
Nationalité : USA, France
Durée : 2h07
Classification : Avertissement
Sly et ses potes remettent le couvert pour une troisième aventure plus inégale mais toujours aussi réjouissante.
De film en film, la saga Expendables se confirme moins comme une renouveau que comme une redécouverte du cinéma d’action des années 80-90. Il faut y voir une énorme malle au trésor, ouverte après une décennie d’oubli par des quadras nostalgiques ou par leur progéniture, curieuse et attendrie par ces morceaux d’une pop-culture cinéphile aux relents reaganiens. Au-delà des VHS usées par le temps, la franchise menée par ce cher Sylvester Stallone rappelle les vieilles figurines à l’effigie des membres de son casting, que l’on ressortirait pour jouer avec une dernière fois. Grâce à ses têtes d’affiche sorties du formole de plus en plus nombreuses, ce troisième opus n’est pas sans rappeler, dans un tout autre registre, La Grande Aventure Lego. Il n’est plus tant question de se moquer des codes d’écriture du siècle passé en livrant le scénario le plus convenu possible, mais de s’imaginer dans la tête d’un enfant durant les heures de gloire de ces tas de muscles ridés. En tenant dans une main un Terminator en plastique, et dans l’autre un Rambo, tout est prétexte à un concours de one-liners et de caméos d’autres jouets, afin de préparer ce joli petit monde à des batailles d’anthologie.
Roulez jeunesse !
Malheureusement, Expendables 3 souffre du syndrome over the top de ce type de licences. Le second degré et l’humilité des précédents volets y est moins présent, ce qui lui fait perdre, en plus de son aspect jouissif, une bonne partie de sa réflexion quasi-méta sur la vieillesse et l’immortalité des icônes. En ayant trop peur de simplement copier la recette des précédents volets (ce qu’il finit par faire de toute façon), le long-métrage tente d’appuyer un contraste entre ses vieux briscards et de nouvelles recrues au sang neuf mais fade, histoire de montrer qui sont les patrons tout en cherchant à se mettre dans la poche un public plus jeune. Cette volonté de coller à la génération Y pervertit l’esprit de la saga et, surtout, la standardise. Cela a pour principal défaut de gâcher (un peu) la mise en scène du non moins volontaire Patrick Hughes, qui a l’obligation de délaisser l’ultra-violence des deux premiers films pour un montage plus cut adapté au PG-13. De plus, cette contrainte essaye maladroitement de dissimuler les méthodes de « tricherie » de nos papys de l’action (à savoir les doublures). Également peu aidés par des effets spéciaux numériques pour la plupart décevants, ces stars déchues en viennent à perdre, durant quelques instants, l’intemporalité qu’ils tentent d’instaurer dans leurs aventures, et qui fait le sel d’Expendables.
L’amour du risque.
Les défauts de ce numéro trois sont donc majoritairement dus à la production, tant la réalisation de Hughes transpire de l’amour qu’il porte à ses gueules cultes, burinées et ridées. Jamais la caméra ne s’est autant approchée des corps pour chercher l’âme cachée sous la tonne de muscles. Plus mélancolique que ses prédécesseurs, Expendables 3 trouve paradoxalement ses moments d’émotions dans ses pauses narratives. Certes, on a du mal à croire au démantèlement de l’équipe, mais ce dernier permet de dépeindre ses membres immobiles, accoudés seuls à un bar ou assis dans leur chambre d’hôtel, à réfléchir sur ce qu’ils ont accompli jusqu’alors, et surtout, sur ce qu’ils savent faire. Mais que savent-ils faire, à part tuer ? Rien justement, et après une courte pensée faussement anti-manichéenne sur le sens moral de leurs actions, le film repart plus que jamais dans l’esthétisation d’une violence fun qu’ils sont les seuls à maîtriser. Le combat de ces vétérans pour rester dans l’arène devient dès lors celui du cinéaste, qui résiste comme il peut au cahier des charges en augmentant de manière croissante les travellings majestueux et autres mouvements de caméra bien plus travaillés qu’une simple shaky cam.
Mel Gibson : L’Arme Fatale.
Expendables 3 est ainsi le film le plus posé de la saga, celui où la mort rôde autant pour les acteurs que pour les personnages, mais surtout, et plus que jamais, pour les oubliés de l’époque Reagan. Il y a, derrière le comeback plaisant, une volonté de devoir de mémoire bien souvent délaissé par les productions des années 80. De cette idée, la franchise en tire sans nul doute l’un de ses meilleurs personnages, incarné par Antonio Banderas. Drôle et bavard au point d’en être exaspérant pour les autres, il raconte à longueur de journée les exploits de ses anciens coéquipiers, qui, – on finit par le comprendre – sont morts au front. On ne peut alors qu’être attendris devant cette réunion de famille immortalisée sur pellicule, et qui ne cesse de grandir. Si Harrison Ford et Wesley Snipes séduisent sans peine, la palme du charisme revient sans conteste à Mel Gibson (et ce malgré son manque indigent de temps à l’écran). En bad guy un tantinet psychopathe, l’acteur rappelle les grandes heures de sa carrière (et particulièrement l’aspect foufou de Martin Riggs dans L’Arme Fatale) tout en montrant intrinsèquement comment Hollywood l’a mis sur le carreau. Il en devient le meilleur représentant de cette revanche sur le temps qu’illustre la franchise Expendables, tout en faisant presque oublier les défauts de ce troisième volet, pour simplement nous satisfaire de ce que l’on attendait : un rendez-vous avec de vieux potes (ou jouets) qui nous amusent bien.
Il faudra que Sylvester Stallone nous explique son truc : il est clair que la saga Expendables commence à s’essouffler autant que ses stars, et pourtant elle parvient encore et toujours à séduire, malgré les grosses lacunes techniques de ce troisième film. Qu’ils se rassurent, on rejouera volontiers avec eux pour le numéro quatre.
Bande-annonce : Expendables 3
Partager la publication « Critique : Expendables 3 (avec Sylvester Stallone…) »