Réalisateur : Neill Blomkamp
Acteurs : Matt Damon, Jodie Foster, Sharlto Copley, Alice Braga…
Genre : Science-fiction qui se pose des questions
Date de sortie française : 14 août 2013
Durée : 1h50
Classification : avertissement
Critique sociétale, science-fiction réaliste et Matt Damon au top de sa forme. Quatre ans après District 9, Neill Blomkamp vient confirmer qu’il est doué, très doué…
Pourquoi Elysium fait-il partie des films de SF les plus attendus de cette année 2013, alors que cette dernière nous aura gâté en productions de la sorte ? Et bien parce que son réalisateur n’est autre que Neill Blomkamp. Jeune surdoué, ce sud-africain s’est fait repéré par Peter Jackson suite à son court-métrage Alive in Joburg, lui trouvant l’argent pour l’adapter en format long pour le grand écran (après le projet de réaliser un film Halo tombé…à l’eau !). Sort donc en 2009 District 9, considéré désormais comme un pilier du cinéma de science-fiction. Alors que les avancées technologiques permettent aux cinéastes de réaliser leurs fantasmes les plus fous qui, malheureusement, trouvent rarement une raison d’être (n’est-ce pas James Cameron ?!), Blomkamp a d’abord surpris par son parti pris de revenir à une SF métaphorique et réaliste. Planant au dessus de Johannesbourg sans pouvoir en repartir, les aliens de District 9 devenaient les victimes d’un système inconscient et ignare, le réalisateur allant même jusqu’à imaginer un nouvel Apartheid. Incluant ses récits dans un monde en écho direct avec le nôtre, on ne s’étonnera donc pas que son style soit tout aussi présent dans Elysium.
En effet, en l’an 2154, la Terre n’est plus qu’un dépotoir surpeuplée, et une minorité de privilégiés vivent sur une station orbitale paradisiaque : Elysium. Alors qu’il rêve de se payer son billet pour y vivre, Max Da Costa (Matt Damon) est irradié lors d’un accident de travail le vouant à une mort certaine. Il est alors contraint de tenter par tous les moyens d’immigrer sur la station qui soigne toutes les maladies, et ce malgré les repoussements violents des étrangers par le gouvernement d’Elysium, et plus particulièrement de la Secrétaire à la Défense Delacourt (Jodie Foster).
Mange ma science-fiction !
L’exposition se pose en quelques minutes. Los Angeles est devenu un gigantesque favela poussiéreux majoritairement peuplé de latinos. Tourné en grande partie au Mexique, Elysium ne cherche même pas à abstraire quelque peu son message, et c’est là toute la force du film. Posant son univers cohérent dans les hypothèses alarmistes concernant l’avenir de l’humanité, le long-métrage n’en oublie jamais de le ramener perpétuellement à notre présent. Les différences entre le Nord (symbolisé par Elysium) et le Sud (la Terre) sont extrapolées, contrastées en permanence par cette immense distance qui les sépare, prenant presque au sens littéral la célèbre réplique de Star Trek : « L’espace, la frontière finale. » Et grâce à la maladie de Max (qui ne lui laisse que cinq jours à vivre), le film finit par se presser. Sans non plus placer un compte à rebours, Neill Blomkamp impose un rythme effréné et un stress constant, qui met le spectateur dans la condition de clandestin de cet homme ordinaire (quitte à aller trop vite). En prenant le point de vue des opprimés qui ne cherchent qu’à avoir une vie meilleure pour eux ou leurs proches, le cinéaste pousse un immense coup de gueule (osé pour un blockbuster estival) envers les pays occidentaux. Soutenu par sa caméra à l’épaule, ses personnages convaincants, sa bande-son réaliste, ses CGI parfaitement introduits et sa bande-originale envahissante, Blomkamp finit de nous ouvrir les yeux en nous donnant une belle gifle. Mais comme qui dirait, c’est pour notre bien !
Du côté des riches ou des pauvres ?
Néanmoins, le réalisateur de District 9 n’oublie pas qu’il a 125 millions de dollars de budget. En blockbuster estival engagé, Elysium n’évite donc pas certains passages obligés qui nuisent quelque peu à sa crédibilité. Malgré son storytelling efficace, les flash-back sur la jeunesse de Max paraissent déjà vus, si ce n’est même clichés. Quelques autres séquences sentent également le réchauffé mais c’est surtout sur son aspect un peu trop manichéen que le film laisse parfois dubitatif. Là où District 9 montrait un homme passant d’un camp à un autre tout en se désillusionnant, Esylium préfère mettre tout le monde dans le même sac : les riches d’un côté, les pauvres de l’autre, caricaturant légèrement son message. Heureusement, Blomkamp se rattrape avec un autre aspect dualiste de la science-fiction : la robotique. Montrant que des droïdes occupent désormais de nombreuses fonctions, pour la plupart nécessitant une capacité de discernement qu’ils ne possèdent pas (policier par exemple), Max se voit finalement se faire greffer un exosquelette décuplant sa force. Alors que l’on croyait l’Homme en total contradiction avec la machine, ils finissent par se lier. Mais attention, nous ne sommes pas dans les jeux vidéo Deux Ex (médium qui a d’ailleurs beaucoup inspiré le réalisateur). Ici, la science-fiction est sale et le biologique a du mal à se mêler à la mécanique, rappelant l’artiste H.R. Giger. Dans cette ossature ressemblant à l’armure d’Iron Man qu’on aurait privé de carrosserie, Matt Damon fait encore une fois des merveilles. Suscitant la sympathie immédiate, l’acteur joue de son visage innocent et ferme à la fois, se retrouvant comme pollué par cette structure métallique qui se révèle pourtant nécessaire à la conquête d’Elysium. Ce choix de casting est d’autant plus ingénieux qu’il rappelle la saga Jason Bourne : Max ne devient plus anonyme mais le porte-parole de ceux d’en bas, forcé de devenir un homme d’action pour sa simple survie. Et pour remplacer les bureaucrates de la CIA, Jodie Foster convainc pleinement dans son rôle de femme froide et calculatrice.
Elysium n’a cependant pas la prétention de se prendre pour un Metropolis moderne. Le film doit avant tout divertir et son réalisateur le sait. Parfaitement distillées au sein du long-métrage, les scènes d’action contribuent à la violence qu’ose nous imposer Neill Blomkamp, comme si elles soulignaient son propos. Les gunfights prennent encore plus d’ampleur grâce aux armes imaginées par le cinéaste, parfois totalement futuristes ou s’inscrivant dans notre réalité (l’AK-47 trafiqué notamment). L’ensemble est alors magnifié par le génial bad guy taré et haïssable du film incarné par Sharlto Copley (à l’opposé de Wikus van der Merwe dans District 9), cerise sur le gâteau d’Elysium. Grâce à cette deuxième réussite, Neill Blomkamp s’inscrit désormais dans la cour des grands, ayant définitivement compris comment faire de la science-fiction une critique pertinente de la société actuelle. S’il ne fait au final que s’inspirer de figures étant déjà passées par là (ah ! La douce époque où Ridley Scott nous offrait Alien ou Blade Runner, et celle où James Cameron nous livrait Aliens et Abyss…), il donne à tout ce petit monde un sacré coup de vieux ! On lui pardonnera donc les petites erreurs d’un premier long-métrage hollywoodien. Ce qui est sûr, c’est qu’en contrôlant le passé, le présent et le futur, le temps appartient aux cinéastes comme Neill Blomkamp.
Si Elysium n’atteint peut-être pas la maestria de District 9, il n’en demeure pas moins un divertissement de qualité qui n’hésite pas à nous brusquer pour mieux délivrer son message. Un choix tout à l’honneur de Neill Blomkamp qui prouve toute l’étendue de son talent, soutenue par sa mise en scène efficace et son casting en or, tout ça en donnant une sacrée leçon aux blockbusters décérébrés de l’été. Chapeau l’artiste !
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