Critique : Captain America, Le Soldat de l’hiver (avec Chris Evans, Scarlett Johansson)

Antoine 25 mars 2014 0
Critique : Captain America, Le Soldat de l’hiver (avec Chris Evans, Scarlett Johansson)

Réalisateur : Joe et Anthony Russo
Acteurs : Chris Evans, Scarlett Johansson, Anthony Mackie, Robert Redford, Samuel L. Jackson
Genre : Marvelous
Date de sortie française : 26 mars 2014
Nationalité : USA
Durée : 2h08
Classification : tout public

Steve Rogers est de retour pour une suite explosive et étonnamment réflexive. L’un des meilleurs films Marvel.

Captain America le soldat de l?hiver : Affiches  - GalerieImaginez un enfant construisant un château de cartes. Sa satisfaction à la réussite de sa complexe architecture ne peut avoir d’égal que la toute-puissance offerte par sa destruction. Imaginez maintenant la même chose avec les studios Marvel, qui, au bout de presque dix ans d’une élaboration soignée et cohérente d’un univers gargantuesque, s’amusent à le remettre en question. C’est l’idée géniale des nouvelles aventures de Captain America, qui confirment le tournant sombre de la Phase II. Le succès d’Avengers reposait en partie sur le retour inespéré des héros quasi-invincibles, suite à la période de démythification des figures hollywoodiennes engendrées par la saga Dark Knight. Le traumatisme du 11 septembre 2001 et ses conséquences néfastes sur l’image des États-Unis en était l’une des principales causes, et le film de Joss Whedon semblait ainsi exorciser une décennie de blockbusters pessimistes en livrant une bataille désormais culte au centre de Manhattan. Pourtant, après avoir dépeint Tony Stark en crise dans Iron Man 3 et montré l’intouchable Asgard fortement détruit dans Thor : Le Monde des Ténèbres, c’est au tour du porte-drapeau américain de revêtir son costume le plus sépulcral.

Les Trois Jours du Captain.

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L’Amérique en prend plein la gueule !

A première vue, faire du Soldat de l’hiver un thriller d’espionnage pouvait paraître un peu hors-sujet. En réalité, la performance des frères Russo (habitués à travailler sur des séries humoristiques) prend totalement sens au fil de l’intrigue. Désormais, Steve Rogers est un super agent du S.H.I.EL.D. qui tente de se remettre à la page après avoir été cryogénisé pendant soixante-dix ans. Bien qu’il s’efforce de noter dans un carnet qu’il doit découvrir Star Wars et les Daft Punk, la trogne innocente de Chris Evans ne met en lumière qu’une seule chose : le doute que le monde ait vraiment changé. C’est dans ces moments que Captain America 2 devient l’un des meilleurs volets du Marvel Cinematic Universe : il crée la surprise tout en reprenant des codes bien connus, mais pas forcément ceux des films de super-héros. Le scénario prend son élan quand un complot incrimine l’organisation de Nick Fury (Samuel L. Jackson, toujours impeccable), ce qui oblige Rogers à fuir, accompagné de Black Widow (incarnée par l’hypnotique Scarlett Johansson). Le code de l’agent trahi par sa hiérarchie peut semblé usé, mais il n’a rarement trouvé meilleurs enjeux que dans Le Soldat de l’hiver, où chaque élément du riche univers Marvel trouve sa place dans un puzzle qui ne demande qu’à être reconstitué, pour ne plus cesser de surprendre.

Le noir lui va si bien.

Derrière les surfaces lisses des décors se cachent de lourds secrets...

Derrière les surfaces lisses des décors se cachent de lourds secrets…

La figure propagandiste emblématique de la Seconde Guerre mondiale devient dès lors celle de notre temps. Elle doit combattre des idéaux qu’elle pensait disparus, seulement rapportés dans les livres d’histoire pour qu’ils ne renaissent plus. Avant d’être un soldat, Captain America est une mémoire des erreurs humaines, comme l’atteste ses émouvantes retrouvailles avec Peggy Carter, qui, elle, souffre de la maladie d’Alzheimer. Outre la noirceur de l’intrigue et du costume de Rogers, c’est la photographie du Soldat de l’hiver qui détonne avec les autres productions du MCU. Adieu les héros bariolés et les décors colorés, place à un Faucon (Anthony Mackie, génial) aux ailes métalliques et à un QG du S.H.I.E.L.D. dont la caméra accentue la froideur des textures. Le traumatisme post-9/11 qu’Avengers avait évaporé revient ici au galop avec une forte explicitation. Sans trop en dire, il est question d’ultra-surveillance et de guerre préventive pour rappeler les éléments critiqués et critiquables de l’administration Bush. Mais au-delà de la référence historique, Captain America 2 ose interroger le bien-fondé de la Phase I de Marvel, et ainsi, tout un empire métonymique de la puissance américaine.

Captain Falcon.

Bienvenue à toi, fougueux Faucon !

Bienvenue à toi, fougueux Faucon !

Pour féliciter la réussite intellectuelle de ce gros mastodonte dont on n’attendait pas forcément de la subtilité, il faut se tourner du côté des scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely qui confirment le dosage subtil que prônent les films Marvel depuis Avengers : une écriture feuilletonesque parsemée de twists, dans laquelle les explications et les pauses narratives s’alternent avec de belles scènes d’action. Qu’on se le dise, c’est lors de ces dernières que Le Soldat de l’hiver se hisse définitivement en haut du panier des productions du MCU. Après un début trop orienté caméra à l’épaule, les frères Russo s’amusent à refléter les enjeux de leur histoire par un contraste de taille, passant d’un combat claustrophobique dans un ascenseur à une bataille finale sur trois héliporteurs du S.H.I.E.L.D. Dans tous les cas, leur caméra se libère pour magnifier le mouvement, et tout particulièrement lors des vols vertigineux du Faucon, qui passe d’un bout à l’autre du cadre malgré l’énorme vaisseau se trouvant derrière lui. La légèreté offerte par ce nouveau venu apporte un gain de fraîcheur à l’univers Marvel, ainsi qu’à l’intrigue volontairement sombre, qui parvient néanmoins, comme toujours, à se sauver par des traits d’humour efficaces qui évitent la lourdeur. En clair, Captain America, Le Soldat de l’hiver ne fait pas dans la mi-mesure, et ce n’est pas le casting de la légende Robert Redford (excellent par ailleurs) qui viendra prouver le contraire. Si les studios Marvel continuent de faire se surpasser leurs héros au service d’un monde remis en question, ils peuvent s’assurer encore de bien beaux jours devant eux.

De par sa critique acerbe de l’Amérique totalement appropriée à son personnage, Captain America, Le Soldat de l’hiver affermit la capacité des studios Marvel à créer un univers cohérent qui ne cesse pourtant de se renouveler. L’écriture est solide et équilibre de manière virtuose les scènes d’action sans en oublier les personnages. Si le film peut se placer en terme de maîtrise juste en dessous d’Avengers, il est clair qu’il prend la première place des productions du MCU en matière de prise de risque, et surtout, de maturité.

Bande-annonce : Captain America, Le Soldat de l’hiver

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