Scénario : Fabrice Linck / Giuseppe Manunta
Dessin : Giuseppe Manunta
Éditeur : éditions du Long Bec
Genre : Fantastique
Ceux qui ont vécu, vivent ou vivront à Strasbourg-la-belle seront obligatoirement confrontés à un sinistre évènement, aux premières lueurs de l’automne. Un terrible évènement envahi le centre-ville, qui bloque toute vie et rempli d’effroi les passants : une attaque zombie de (très) grande ampleur. Heureusement pour eux, ces derniers seront plus attirés par une bière fraîche en fin de journée que par un morceau de leur cerveau.
Le Zombie Walk est un évènement de plus en plus populaire à Strasbourg, organisé en parallèle du festival du film fantastique de Strasbourg (FEFFS), qui lui aussi connait un engouement de plus en plus assidu. Le principe est simple : se maquiller comme un bon vieux zombard bien dég’, et déferler dans les rues de Strasbourg en compagnie d’autres morts-vivants par forcément plus beaux que vous. En gros, c’est pas le top pour les rencontres romantiques, mais ça y rigole bien.
Une idée qui a assurément donné de l’idée à Fabrice Linck, scénariste alsacien de naissance et résident dans la capitale européenne depuis plusieurs années. Accompagné de son acolyte Giuseppe Manunta, qui lui vient directement des pentes du Vésuve, ils se lancent dans un projet ambitieux : dessiner et raconter ce que pourrait devenir Strasbourg si la mort s’en emparait réellement…
Gott Verdammi, un zombie !
Soyons lucides : j’ai été particulièrement intrigué par cette bande dessiné pour son environnement plus que pour le pitch. Natif d’Alsace et ayant également vécu plusieurs années à Strasbourg, cette ville a laissé sur moi une emprunte impérissable. Entendre parler d’une histoire fantastique se déroulant dans cette magnifique cité n’a pas fait que me traverser le conduit auditif, mais a activé ma curiosité.
Et celle-ci a été satisfaite : Manunta et Linck ne se sont pas limités à une trame stagnante dans un petit quartier de la ville, mais plutôt à envoyer les héros valdinguer (ou fuir plus précisément…) à travers toute la ville.
Les résidents ou personnes ayant connu la plus belles des cités de l’Est de la France (non, je n’abuse pas) découvriront avec joie des lieux familiers apparaissant à travers le crayon de Manunta : la place Kléber, le Parlement européen, l’ancienne Poste ou encore les espaces verts du Jardin de l’Orangerie.
Le choix de Manunta et Linck de proposer en BD au graphisme crayonné N&B peut paraître choquant au premier abord, mais n’est pas si dénué de sens. Ce n’est pas de la fainéantise, loin de là, mais plutôt un choix réfléchi. Il est évident que dans un film de zombie, la seule couleur dominante est le rouge, qui macule les habits des morts et jailli du corps des vivants en passe de rejoindre le premier groupe. Le reste est assez terne, et doit l’être pour donner une ambiance glauque envahissante; ici, pas de fioritures : on devine le rouge, on oublie le reste.
Le dessin de Manunta est précis et mature tout au long de la BD : on ne voit que peu le design des héros évoluer, comme c’est souvent le cas lors d’un premier jet. Le dessinateur a le souci du détail, et surtout avec les morts déferlants, qui possèdent tous des tares différentes : bras arraché, poitrine éventrée ou mâchoire absente. Malgré que les personnages (vivants) aient parfois un aspect un peu « poupons » avec leurs yeux clairs et leurs lèvres saillantes, on lit facilement sur leurs visages la gravité de la situation.
Zombie au plomb, Acte 1, scène 549
Malheureusement, des dessins précis et un environnement familier, ce qui n’est pas le cas de tous, ne suffisent pas à faire la qualité de la BD. En cause, un scénario réellement trop essoré depuis des années.
Synopsis rapide : les laboratoires Lenz font partie des leader dans le secteur pharmaceutiques. La raison : des chercheurs particulièrement doués, qui découvrent jour après jour des médicaments révolutionnaires, dont le tout nouveau Sarnex, un anti-coagulant qui devrait révolutionner la médecine. Malheureusement, l’ambition débordante du PDG Lenz l’amène à amener Mister K, le « patient O », à Strasbourg pour présenter son nouveau médoc devant une commission européenne. Bien que Rachel, une ancienne scientifique des laboratoires Lenz, ait organisé une manifestation pour dénoncer la supercherie de ce produit, Mister K va s’enfuir et transformer le berceau de l’imprimerie en un véritable charnier…
Doit-on le reprocher aux auteurs de BD ou non, il n’en reste pas moins que ces deniers ont mis les pieds dans un secteur particulièrement exploité : l’attaque de zombies à grande envergure. On retrouve ici l’idéal du zombie affamé qui dévore sa victime, avant de le laisser pour mort, infecté par la maladie, avant qu’il ne mute à son tour en mort-vivant anthropophage.
On suivra, tout au long des 102 pages qui composent la BD, la fuite de Rachel, son compagnon et scientifique Franck ainsi que de Mary, une commando sur-entraînée, pour rejoindre le labo de campagne de Lenz installé au Parlement européen, où eux seuls pourront trouver un antidote à la pandémie.
On découvre donc un scénario typique du genre « Patient 0 –> Infection à grande échelle –> Fuite des héros –> recherche d’un antidote », tellement vu au cours des dernières années qui ont vu l’histoire de zombies devenir la référence des scenarii fantastiques de l’horreur.
Non sans saveur, ce qui serait mentir, l’histoire proposée par Linck et Manunta est malheureusement trop prévisible. Même si le thème reste efficace, il n’y a plus beaucoup de magie dans ce genre d’histoires au cheminement devenu lassant.
Difficile de dire si les auteurs ont volontairement voulu faire un clin d’œil au genre en l’adaptant dans un environnement inédit, ou simplement s’ils ont été dépourvus d’idées novatrices, pris au pièges par ce ras-de-marée zombiesque qui nous a envahi depuis tellement d’années, et particulièrement depuis 5 – 10 ans. Mais les références régulières au FEFFS par des habiles insertions, ou même le kameo d’un grand monsieur du film fantastique d’horreur nous met sur le chemin…
Il n’en reste que Zombie Walk est une bonne BD, du début à la fin, si on cherche à passer un bon moment de détente. Peu de zones d’ombres persistent, et on tourne les pages l’une après l’autre avec plaisir. Si en plus, vous connaissez comme moi la superbe ville de Strasbourg, l’intérêt n’en est que décuplé. Enfin, si vous êtes Strasbourgeois, fan de BD et d’histoires fantastiques, et que vous êtes au RDV de la Zombie Walk tous les ans, cette BD devient carrément indispensable. Mais c’est le cas, non ?
Merci aux éditions du Long Bec pour l’exemplaire de Zombie Walk et à Fabrice Linck pour les quelques illustrations.
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