Réalisateurs : Phil Lord et Chris Miller
Acteurs : Channing Tatum, Jonah Hill, Ice Cube, Peter Stormare…
Genre : comédie
Date de sortie française : 27 août 2014
Nationalité : USA
Durée : 1h52
Classification : tout public
Encore une fois, la comédie US de l’année est à chercher du côté de Phil Lord et de Chris Miller.
Il est vrai que quand on y repense, la série télé 21 Jump Street est l’exemple parfait du produit hollywoodien formaté à l’extrême pour satisfaire une bande de fans invétérée. Des scénarios de plus en plus faibles au fil des épisodes aux départs progressifs des membres du cast dissimulés comme on peut, tous les éléments de ce pur produit teenage reflète cet acharnement de la machine à rêves à toujours en faire plus, quitte à tomber dans le ridicule. La première adaptation sur grand écran par le duo Phil Lord/Chris Miller avait parfaitement assimilé cette essence involontaire de l’œuvre d’origine dans son humour, à grands coups de parodie des codes du cinéma américain, et des marques qu’il laisse sur son public. Ce qui nous touche chez Schmidt et Jenko, c’est qu’ils ont les mêmes références que nous, et donc, les mêmes fantasmes héroïques. Rassurez-vous, ils n’ont pas vraiment mûri dans cette suite. Dès ses premières minutes en forme de course-poursuite, le film affirme l’ingéniosité de sa réalisation, qui mêle alors avec une grande fluidité burlesque et comique verbal, telle une mise en bouche du programme que nous ont concoctés les deux cinéastes.
Sequels, prequels, spin-offs, reboots…
Car 22 Jump Street s’amuse clairement du fait d’être un sequel, en se reposant sur la manière dont Hollywood accumule aujourd’hui les valeurs sûres en augmentant les budgets et en évitant les risques. Après le lycée, nos héros doivent cette fois-ci infiltrer une fac pour, comme le répète leur chef Dickson (Ice Cube, hilarant), faire « la même enquête ». La moitié des gags rit alors de cette improbabilité pour les personnages de vivre pour la deuxième fois une même situation, quand ce n’est pas l’intrigue qui accentue les ficelles du premier film. Comme pour la majorité des suites, le long-métrage est obligé de jouer la carte du over the top, qu’il parodie constamment, quitte à parfois tomber dans ce même travers. De ce fait, tout dans 22 Jump Street est exacerbé, de l’emphase comique du duo Channing Tatum/Jonah Hill aux clins d’œil explicites sur leur bromance qu’ils refusent d’admettre. Le talent de Lord et Miller est que leur cynisme a pour ligne de mire le système qui les accueille (ce qui est d’autant plus admirable qu’ils le dynamitent de l’intérieur) sans jamais dévier sur les personnages, ce qui les rendrait antipathiques. Au contraire, la réalisation appuie l’espèce de magnétisme qui les relie en permanence, notamment grâce à une utilisation ingénieuse du split-screen (la scène de trip partagée !). Mieux encore, ils reprennent ici des codes de la comédie romantique pour offrir un décalage détonnant et pourtant diablement cohérent avec ceux de leur principal modèle (et celui des protagonistes), à savoir le buddy movie.
Les armes fatales !
De ce fait, 22 Jump Street impose très vite un regard lucide mais tendre sur la nécessité de toujours reprendre les mêmes recettes. Au fond, on ne peut pas s’empêcher de retrouver les mêmes héros, ne serait-ce que par amour et/ou nostalgie, et bien que leurs aventures puissent paraître de plus en plus obsolètes. On peut penser à la fameuse réplique de Murtaugh et Riggs dans la saga L’Arme Fatale (par ailleurs réutilisée ici) : « On est trop vieux pour ces conneries. », ce qui ne les empêche pas de rempiler encore et encore pour de nouvelles enquêtes. La puissance du cinéma est aussi de défier le temps et les modes. A l’heure où les Expendables affirment une volonté de retour des stars des années 80, on comprend bien que quel que soit le prétexte imaginé pour justifier de nouvelles bobines, la simple présence de nos idoles suffit à nous ravir (en général, bien entendu). Le film de Lord et Miller parvient à ce titre à surpasser le troisième round de Sly et sa bande quand il s’agit de toucher du doigt le thème de l’immortalité des icônes. Il n’en justifie que mieux le flot incessant (et réjouissant) de références pop-culturelles auquel nous ont habitué les réalisateurs de La Grande Aventure Lego.
Y-a-t-il quelqu’un pour sauver Hollywood ?
L’étirement perpétuel devient même un gimmick dans la mise en scène des deux cinéastes, retardant parfois au maximum la chute d’une situation et enchaînant les blagues jusqu’à l’excès (toutes ne font pas mouche), pour conclure en apothéose sur un générique absolument irrésistible. Mais au-delà de l’hilarité qu’il procure, 22 Jump Street peut être perçu, à l’instar de son prédécesseur, comme un film de crise. A force de dénoncer les productions hollywoodiennes actuelles, le long-métrage en vient à rappeler les doutes dont cette industrie souffre depuis quelques années, ou encore les prédictions pessimistes qu’avaient eu Spielberg et Lucas l’an passé sur la fin du blockbuster. On ne peut alors qu’admirer la manière dont le cinéma de Lord et Miller, en apparence futile, se retourne contre lui-même pour se trouver une gravité et un sens. A la fin du film, Jenko insiste sur le fait qu’ils vont déménager pour le 23 Jump Street. Le message est clair, et comme nous sommes des spectateurs amoureux et nostalgiques, nous serons bien là pour la suite.
En allant encore plus loin que son prédécesseur, 22 Jump Street est une suite jouissive qui… parodie le système des suites. Jonah Hill et Channing Tatum affirment une nouvelle fois leur talent comique qui fait la sève de cette saga hilarante et attachante.
Bande-annonce : 22 Jump Street
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