Artiste : The Shoes
Genre : Electro Pop
Label : Green United Music
Date de sortie en France : 7 mars 2011
Nombre de morceaux : 10
« Cité des Rois » et capitale du champ’, Reims peut se chercher un nouveau titre afin de porter haut les couleurs de la French Touch qui semble y trouver un second souffle. Après leurs copains Yuksek, Brodinski ou les Bewitched Hands, c’est le duo champenois The Shoes qui est (re)parti à la conquête du monde courant 2011 avec « Crack My Bones ». Exilés à Londres pour la réalisation, ils en ont profité pour récupérer l’imprimatur de tout ce que la capitale britannique compte de prescripteurs de tendances et faire le buzz depuis 2, 3 ans. En France pourtant, on les connaît surtout grâce à la pub d’un constructeur automobile hexagonal au logo de lion. Alors, est-on à côté de ses pompes si on a raté The Shoes?
Après un EP en 2010 notamment bâti sur le bien nommé « People Movin », l’attente autour du premier album était grande chez les amateurs d’électro-pop sautillante ainsi que dans le petit cercle des initiés persuadés de tenir là les nouveaux fils spirituels de Air et futurs challengers de Phoenix. Des artistes internationaux mainstream (Shakira en tête) aux chanteurs français tels Gaëtan Roussel (qui leur doit le multi-récompensé « Ginger ») ou encore l’ex chanteur à barrette Julien Doré, en passant par des figures indé de la scène londonienne et ce qu’il faut de contacts hype, la liste de leurs fans est impressionnante.
Et voilà donc « Crack My Bones », dont le titre est une invitation à aller se faire péter les rotules et déboiter le cou sur le dancefloor. Mais ce ne sera pas sur la première piste, le tempéré, mélodieux et quelque peu mélancolique « Stay the Same », qui vaut surtout pour la présence de l’excellent Esser. Et qu’importe si on ne peut s’empêcher de réprimer un sentiment de déjà-vu, on tient un titre léché et bien fichu qui fera le job en fond sonore d’une soirée. Idem pour « Cover your Eyes », cette fois-ci dans une veine plus langoureuse: une composition au poil avec une excellente base rythmique servie par ce qu’il faut de basses, des nappes d’instrum’ et de voix sous influence des Anglais de Wave Machines (tiens tiens…) pour un résultat aérien et entraînant. Mais toujours pas l’invitation promise à aller remuer du popotin en club. Il faudra attendre « People Movin », que les fans de la première heure connaissaient déjà, pour avoir enfin envie d’aller user ses semelles. Pour les béotiens, c’est le vade mecum d’un titre simple et efficace: un beat lorgnant vers le dubstep grâce aux enchaînements kick & snare redoutables, un hook sec qui pénètre le cerveau pour ne plus en sortir, une touche de chaleur avec la présence entêtante d’une flûte et de cuivres… On s’attend à ce que l’album décolle, prenne du coffre, et The Shoes nous prend au dépourvu avec « Wastin’ Time », sympatoche complainte pop-folk, là encore servie par ce qu’il faut de percus, un chœur de « ouh-ouh-ouuuuh » bien amené et des envolées de synthé. C’est certes beau, harmonieux et agréable, mais on s »interroge: ça nous rappelle quelque chose, mais quoi?
Nous n’aurons pas le temps de répondre à cette question, en tout cas pas dans l’immédiat. Car déboule « Time to Dance »,propulsé hit instantané grâce à Peugeot. Soyons clairs: même s’il y aura toujours des gens pour souligner la filiation avec le « D.A.N.C.E » de Justice, on ne peut qu’avoir une envie irrépressible de sauter partout quel que soit l’endroit où l’on se trouve à l’écoute du morceau. Pur shoot d’adrénaline reposant sur des basses surpuissantes, un équilibre parfait entre une mélodie scandée comme un slogan de manif’ vrillant instantanément les neurones et un son house/techno classique mais redoutable, c’est carré, puissant, délirant et ça envoie le bois. S’il ne fallait retenir qu’une piste, ce serait celle-là. Les amateurs de vidéo se régaleront avec le clip malsain porté par un Jake Gyllenhaal en grande forme. Difficile d’enchaîner après un tel coup de massue, et l’étrange « Cliché » partagera les foules: bombinette dancefloor passable pour les uns, vraie perle lyrique mêlant la voix d’Anita Blay (chanteuse de CocknBullKid) et synthés grandiloquents pour les autres, l’ambiance et la sonorité détonnent du reste de l’album. La lassitude guette, on passe également rapidement sur « Crack My Bones », ni bon ni mauvais mais juste passable, pour accorder toute l’attention de nos deux oreilles sur « Bored » et son orientation techno plus sombre et ses sonorités pour certaines décongelées de la décennie précédente. Robotique, froid mais à forte valeur dansante ajoutée, voilà un morceau qui révèle une nouvelle facette de The Shoes. Et si « Investigator », qui clôt l’album, devait en ajouter une autre, ce serait celle d’un groupe capable de produire des morceaux longs (9 minutes), rythmés et peut être plus efficaces lorsque les mélodies et le chant se font plus discrets afin de se concentrer sur l’essentiel. Il ne faut pas oublier que Guillaume Brière et Benjamin Lebeau se sont fait les dents et un nom en enchaînant les remix du côté de la Perfide Albion, et « Investigator » tend à démontrer tout le talent que les gaillards peuvent avoir en la matière.
Si l’on passe un moment plutôt agréable grâce à une production hyper léchée et la générosité dont font preuve les deux frenchies, le côté patchwork de « Crack My Bones » peut lasser. Pour autant, ce n’est pas aussi éparpillé qu’on pouvait le craindre, et ce n’est pas non plus un album carte de visite technique à destination du landerneau musical censé illustrer le savoir-faire de leurs auteurs. Il y a eu un vrai plaisir à la réalisation, entre potes, et il est communicatif. Leur vrai challenge consiste maintenant à s’affranchir des influences, car c’est bien là l’ombre qui plane sur de trop nombreux morceaux et dont on recherchait la cause: les Ting Tings, The Klaxons, New Order et le fantôme de Ian Curtis, voire les Neptunes et Coldplay (si si!!)… On espère que la suite de la visite exhaustive du monde électro-pop se fera avec une touche plus personnelle, même si cette dernière est déjà bien présente. Et surtout, prions pour que The Shoes ne soit pas un énième groupe éphémère, porté aux nues puis descendu par une critique toujours prompte à couper la tête des rois qu’elle a couronné trop rapidement. Un dernier bon point pour eux: les amateurs de vidéo se régaleront avec des clips en forme de courts métrages malsains, particulièrement réussis.
Extrait de l’album « Crack My Bones » (The Shoes) : Time to Dance
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