Réalisateur : Jean-Pierre Jeunet
Acteurs : Kyle Catlett, Helena Bonham Carter, Judy Davis, Callum Keith Rennie…
Genre : L’odyssée de Pi sur un train
Date de sortie française : 16 octobre 2013
Nationalité : USA, France
Durée : 1h45
Classification : tout public
Un bien beau voyage pour une vision naïve du rêve américain. Jeunet est de retour.
Avec son titre difficilement mémorisable, il ne serait pas étonnant que vous demandiez au guichet de votre cinéma une place pour « le nouveau film de Jean-Pierre Jeunet ». Il est vrai qu’un long-métrage du réalisateur d’Amélie Poulain, ça créé l’évènement ; et on s’attend ainsi à des tics et des thèmes chers qui vont avec : une certaine mélancolie, une image jaunâtre, des personnages fantasques, Dominique Pinon ou encore une morale sur la beauté de l’extravagance qui ne dépareillerait pas dans un (bon) scénario de Tim Burton. Seulement, après le réjouissant mais vain Micsmacs à tire larigot, notre cher JP commençait à devenir une caricature de lui-même. Dès les premiers plans de L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S Spivet (que je ne rédigerais que cette fois-ci en entier !), on ressent une étrange sérénité, qui n’est autre que celle de son cinéaste.
Doux États-Unis, cher pays de mon enfance…
Adaptée d’un roman de Reif Larsen, l’histoire raconte le voyage de T.S Spivet (dix ans, bientôt onze), petit garçon surdoué perdu avec sa famille au fin fond du Montana qui fugue pour proclamer un discours à Washington après avoir remporter le grand prix scientifique Baird. Par l’attachement que Jeunet lui apporte, il est clair qu’il se reflète dans cet héros innocent et incompris, brillamment interprété par la révélation Kyle Catlett. La mise en scène ingénieuse mais parfois répétitive de Jeunet se libère étonnamment face à la contrainte technique de la 3D, qui sublime les pensées et le regard contemplatif du personnage, et ainsi du spectateur. De par sa vision attendrissante et nostalgique du rêve américain, le film semble se dérouler dans les années 50, alors que l’avancée vers Washington nous montre par la suite voitures, portables et caméras d’aujourd’hui. On pourra reprocher à Jeunet de parfois trop s’extasier sur ses plans d’ensemble au point de leur faire perdre de leur naturel, mais la perfection des cadres et la beauté du champ ne peuvent que laisser admiratif, rappelant parfois dans leur intemporalité des tableaux d’Edward Hopper.
T.S. Spivet, la résurrection
Sous ces airs de vitrine technologique, Jean-Pierre Jeunet insuffle heureusement à T.S. Spivet une grande part d’émotions. Il s’agit même du sujet central du film. Si le petit garçon est conscient des limites scientifiques et plus particulièrement de celles de sa machine à mouvement perpétuel (elle ne peut fonctionner que quatre cents ans environ), il ne connaît pas celles des sentiments humains. Sa traversée des États-Unis devient une quête initiatique lui permettant à son terme d’exorciser un lourd secret familial. Plutôt que d’en parler, chacun a préféré s’engouffrer dans son obsession (la mère étudie les insectes, le père se prend pour un cow-boy, et la fille est… une pétasse !), justifiant l’amour du cinéaste pour les freaks. Bien plus qu’une simple aventure universelle, L’extravagant voyage… est en réalité une véritable remise en question de Jeunet sur son art. Rabâchant de manière toujours aussi sincère le thème des particularités de l’individu, le réalisateur se demande à quel point la technique peut-elle servir l’émotion d’une œuvre, particulièrement ici où les personnages tentent de cacher leur véritable ressenti. L’utilisation réjouissante mais non forcée de la 3D conforte dans l’aspect enchanteur de ce conte enfantin mais pas infantile. Paradoxalement, Jean-Pierre Jeunet y retrouve comme son personnage une certaine simplicité. Une simplicité encore une fois mise en contraste avec un titre complexe !
Rarement un film n’aura autant justifié son usage de la 3D. Bien plus qu’un amusement pour Jean-Pierre Jeunet, elle lui permet dans ce nouveau film de sublimer les paysages américains tout en y décrivant les sentiments de ses personnages. A travers le jeune T.S Spivet, le réalisateur trouve l’un de ses plus beaux doubles.
Bande-annonce de L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet
Partager la publication « Critique : L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet »