Réalisateur : Benjamin Daniel
Acteurs : Benjamin Daniel, David Chabant, Bob Lennon, Laura M. Hirel…
Genre : petit film pour grandes ambitions
Date de sortie française : 1er avril 2014 (disponible sur Youtube, en DVD et VOD)
Nationalité : France
Durée : 1h06
Classification : tout public
Désormais star du web français, Benzaie reprend son émission du Hard Corner pour en faire un long-métrage. Pertinent et prometteur.
En France, Youtube permet depuis maintenant quelques années l’émergence de talents qui se créent de véritables personnages au service de chroniques sur des sujets divers. Bien entendu, le jeu vidéo est l’un de ceux qui rassemblent le plus puisque sa communauté est née avec ces technologies. Parmi eux, Benzaie (Benjamin Daniel pour les intimes) est sans doute l’un des plus funs et libérés, n’hésitant pas à gueuler sur les développeurs en manque d’inspiration ou sur la casualisation du médium vidéoludique quand le cœur lui en dit. Sa figure de métalleux immature et sans langue de bois a même parfois de quoi exaspérer dès qu’il se révèle un peu trop méprisant. Il s’agit cependant de la sève de son humour qui transparaît totalement dans son long-métrage que l’on attendait au tournant. Après un teasing de fou furieux de la part de l’intéressé, Hard Corner : Le Film semblait n’être qu’un épisode XXL de l’émission de Benzaie. Heureusement, il dépasse bien vite ce statut.
« J’accuse » par Benzaie.
En effet, dès son générique savamment réalisé, le cynique vidéaste dépeint les origines de son personnage avant l’ouverture de son magasin. Entre une copine castratrice et un boulot ingrat chez son pire ennemi, Benzaie se réfugie dans le jeu vidéo en cherchant l’aide d’Alpha Man, héros d’un dessin animé de son enfance, dont le célèbre Bob Lennon prête la voix. Mais bien loin des stéréotypes habituels, le film laisse planer une ombre autobiographique qui offre à l’ensemble une certaine justesse. Le scénario, volontairement prévisible, ne fait que revisiter de façon assez jouissive les passages obligés du voyage du héros attribués ici au parfait looser. Ce n’est pas le jeu vidéo en soi qui ostracise du monde extérieur, mais l’incompréhension de celui-ci envers cette passion. De sketch en sketch, c’est ainsi toute la société technophobe qui en prend pour son grade, passant de hipsters pseudo-photographes au pô(po)le emploi. Les mots cinglants de Benzaie fonctionnent d’autant plus quand il doit essayer de les retenir, de faire profil bas face à ceux qui ne le comprennent pas. Sans non plus atteindre le niveau d’un Wayne’s World ou d’un Dumb and Dumber, Hard Corner : Le Film fait rire à de nombreuses reprises, alternant un comique de mots bien pensé à un humour pipi caca qui, s’il ne plaira pas à tout le monde, est totalement en phase avec ses protagonistes.
Un nouvel espoir.
Il est également surprenant de voir qu’avec aussi peu de moyens, le film parvienne à être assez réussi sur le plan technique. Certes, le son et les effets spéciaux laissent parfois à désirer, mais la mise en scène, sans être révolutionnaire, retranscrit plutôt bien les modes des années 80 (les phases de dessin animé), ainsi que certains codes de la pop-culture (un combat à la Street Fighter). Malgré sa fin abrupte, Hard Corner : Le Film rappelle dès lors que l’on a assisté à un concept qui n’a pas encore été exploité : des longs-métrages sur les icônes du net par les icônes du net. Si son réalisateur semble lui-même prendre son projet pour un gros délire ponctué de petites claques sur notre société, il se pourrait bien qu’il représente le point de départ d’une génération de cinéastes enfin capable de parler du médium vidéoludique avec un regard bienveillant et surtout concerné. Le résultat est peut-être imparfait mais est à saluer bien bas. En plus de livrer une sympathique comédie qui ravira les fans des chroniques de Benzaie, ce dernier parvient même à s’adresser à ceux qui ne le connaissent pas. Il pousse ainsi son plus beau coup de gueule, en confirmant le statut artistique des vidéastes d’Internet, ainsi que celui, encore plus important, de ce qu’il appelle lui-même dans le film le dixième art : le jeu vidéo.
De sa voix faussement rauque, Benzaie offre un divertissement qui, finalement, a l’intelligence de fonctionner sur le même principe que ses chroniques. L’humour sert à la dénonciation tout en restant à échelle de youtuber. Hard Corner : Le Film (disponible ci-dessous) rappelle donc que faire des vidéos sur Internet est un métier. Sans prétention, il se pourrait bien pourtant que le long-métrage amène de nouvelles productions de ce genre, annonçant une nouvelle ère de la création sur le web. Bravo !
Hard Corner : Le Film
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C’est quand même fou de voir qu’il a réussi à réaliser un film avec si peu de budget. Pour un résultat, qui comme tu le dis, est à la fois intelligent et drôle !