Réalisateur : Alain Resnais
Acteurs : Sabine Azéma, Hippolyte Girardot, Michel Vuillermoz, Sandrine Kiberlain, Caroline Silhol, André Dussolier…
Genre : Dernier salut
Date de sortie française : 26 mars 2014
Nationalité : France
Durée : 1h48
Classification : tout public
Le dernier film d’Alain Resnais ne peut pas éviter, même involontairement, de rappeler son récent décès, mais il n’en est que plus touchant et juste.
Un enterrement. Telle est la dernière séquence offerte par le grand Alain Resnais. Autrement dit, un final rêvé pour une œuvre testamentaire. Pourtant, ce n’est pas de cette manière qu’il faut percevoir Aimer, boire et chanter, ne serait-ce que par le travail du cinéaste sur un nouveau scénario avant sa disparition en mars dernier. Ensuite, cet adieu cinématographique n’est pas empreint du larmoyant que l’on attend habituellement d’un chant du cygne. Sa première réussite repose au contraire sur l’image qu’il immortalise : celle d’un amuseur amusé de l’art qu’il a entre les mains pour en repousser les capacités. De L’année dernière à Marienbad aux Herbes Folles en passant par On connaît la chanson, Resnais n’a jamais cessé d’évoluer et d’expérimenter, passant de drame pesant à film jovial. Adapté d’une pièce d’Alan Ayckbourn, Aimer, boire et chanter se délecte par la surprise qu’il apporte dès les premières images. A l’entrée de Kathryn (Sabine Azéma) et Colin (Hippolyte Girardot), rien ne semble naturel ; et pour cause, puisque l’on se rend compte une minute plus tard qu’ils répètent une pièce de théâtre.
La dernière séance.
Là est le génie d’Alain Resnais, qui, au travers de sa sublime mise en abyme, décrit les codes du théâtre (et plus précisément du vaudeville) pour les relier à ceux du cinéma. Au milieu des décors scéniques de Jacques Saulnier et des panneaux du dessinateur Blutch, le réalisateur bouge sa caméra au bon moment pour capter le jeu de sa troupe d’acteurs — on retrouve les habitués André Dussolier et Michel Vuillermoz, ainsi que les petites nouvelles Sandrine Kiberlain et Caroline Silhol. Au fil de l’intrigue partagée en peu de lieux, un autre gimmick se dessine : celui du hors-champ. En plus de ne pas voir les coulisses qui semblent cacher certaines vérités, Resnais refuse que son cadre s’immisce dans certains espaces et laisse le suspense s’étirer. Il parvient ainsi à redéfinir le MacGuffin en la personne de George, ami invisible de la bande qui va pourtant devenir le nœud de l’histoire suite à l’annonce de son cancer.
Nuit et lumière.
Impossible en effet de ne pas voir en George le réalisateur lui-même, tirant les ficelles d’un scénario qui n’est fait que pour ouvrir les yeux de ses personnages. Paradoxalement, l’artificialité volontaire de la mise en scène (qui joue peut-être un peu trop de la répétitivité de son dispositif) sert à la justesse de l’évolution psychologique des personnages. Le réalisme l’emporte toujours, même si Resnais semble y préférer les possibilités infinies de l’imagination, comme l’atteste l’ironique réplique d’André Dusollier quand on lui demande ce qu’il a pensé de la pièce de théâtre : « Je préfère le cinéma. » En permettant à ses protagonistes de savourer de nouveau leur existence en en gommant les défauts, le réalisateur offre une bien belle réflexion sur la vie et la mort : une sorte de vision optimiste d’un cinéaste lucide. Alain Resnais a ainsi compris que la beauté de la vie ne réside pas forcément dans ce que l’on voit. Il en est la preuve, car si sa personne n’est plus désormais visible, ses films, eux, resteront à jamais gravés dans l’Histoire du cinéma.
Après son long-métrage de l’an passé, Alain Resnais prouve définitivement que nous n’avions encore rien vu ! Son œuvre posthume montre pour la dernière fois l’incroyable expérimentation et la joie de vivre d’un cinéaste en quête perpétuelle d’idées nouvelles. On serait tenter de pleurer face au générique de fin qui sonne comme le dernier tombée de rideau d’Alain Resnais. Pourtant, ce dernier nous dit de tout simplement aimer, boire et chanter !
Bande-annonce : Aimer, boire et chanter
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Je me suis précipitée suite à la publicité faite autour de ce film. !… Pourtant j’aime le théâtre et nous sommes gâtés à Avignon avec notre Festival où l’année dernière j’ai pu voir avoir bonheur, plus d’une trentaine de pièces. Mais quand je vais au cinéma ce n’est pas pour voir du théâtre, et ce mélange des genres m’a profondément ennuyée… Dommage…. Ce qui n’enlève rien aux qualités du réalisateur et à celles des comédiens qui sont très bons …