Réalisateur : Steven Moffat, Mark Gatiss
Acteurs : Benedict Cumberbatch, Martin Freman, Armanda Abbington, Una Stubbs…
Genre : Pas encore le dernier problème…
Format : 90 minutes
Classification : tout public
Le plus célèbre des détectives est de retour pour une troisième saison d’une maîtrise folle. Petit rembobinage avec petits spoilers !!!
S’il est bien écrit, un personnage de série passionnera toujours plus que celui d’un long-métrage, tout simplement parce qu’il aura plus de temps pour se développer et apprivoiser l’empathie du spectateur. Alors imaginez maintenant ce constat couplé à l’un des héros littéraires les plus célèbres au monde. Tant de raisons qui justifiaient pleinement l’impatience des fans envers la saison 3 de Sherlock. Cela faisait maintenant deux ans que Steven Moffat et Mark Gatiss nous avaient laissés avec nos interrogations quant à la survie du détective (qui avait sauté d’un immeuble à la fin de la saison 2). Le premier épisode commence ainsi sur les chapeaux de roues en nous révélant le tour de passe-passe ultime du génial enquêteur… Ou pas !
L’ordre du phénix
En effet, il faut croire que les créateurs de la série ont pris conscience de l’influence de leur œuvre. D’hypothèse en hypothèse, de saut en élastique à complot amoureux avec Moriarty, The Empty Hearse (le premier épisode, en hommage à La Maison vide) s’amuse et manipule son spectateur avec des possibilités directement inspirées de celles écrites sur le web. Le rapport au public s’en retrouve malicieux et renforce l’actualité dans laquelle baigne notre Sherlock 2.0. Bien que certaines personnes aient été mises au courant de son plan, son fidèle ami John Watson vit dans le mensonge depuis deux ans, tentant de faire son deuil. Sa rencontre avec Mary et ses fiançailles avec celle-ci ne vont pas simplifier le retour de Sherlock, contraint par son frère de revenir à Londres suite à une menace d’attaque terroriste. La série prend alors son temps pour introduire ce come-back que tout le monde attend, et c’est lors de ce dernier que l’on comprend les nouvelles ambitions de Moffat et Gatiss.
L’enquête devient presque secondaire pour plus se concentrer sur les rapports entre les personnages. Si Sherlock est un génie, c’est également un sociopathe assumé (le terme est répété de nombreuses fois). On le découvre ainsi pour la première fois en véritable position de faiblesse, tout particulièrement dans le deuxième épisode où il doit surmonter la tâche insurmontable de témoin au mariage de John. Ce renouveau évite les écueils dans lesquels une série novatrice serait tentée de tomber et accentue d’autant plus ce rapprochement habile entre le spectateur et l’univers fictionnel. A la manière du Sherlock Holmes de la médecine, Dr. House, les créateurs ont engagé leur tournant vers le soap-opera au bon moment. Cette saison 3 devient presque une pause revigorante au sein de l’ensemble après une saison 2 magistrale de tension et d’action. Une pause pleine d’humour et d’émotions, où Moffat et Gatiss titillent encore une fois pour notre grand plaisir la possible homosexualité de Holmes et de Watson, mais redéfinissent aussi leurs liens au reste du monde. Leur bulle est moins étriquée et permet de plus amples révélations sentimentales dans leur entourage. Les tirades et autres piques n’auraient bien entendu pas le même impact sans la symbiose du duo Benedict Cumberbatch/Martin Freeman, qui nous émerveillent définitivement de leur talent.
My name is Holmes… Sherlock Holmes.
Néanmoins, cette saison 3 n’est pas non plus dénuée d’enjeux. Il fallait tout d’abord amener un nouveau méchant à la hauteur du grand Moriarty et Charles Augustus Magnussen (Lars Mikkelsen, frère de Mads) remplit à merveille ce rôle. Décrit par Holmes comme « le Napoléon du chantage », ce nouveau génie du mal joue de son calme olympien mais surtout de ses sources quasi-illimitées d’informations compromettantes pour dominer ses adversaires. Charismatique à souhait, le personnage vaut au fil de ses apparitions pour la paranoïa qu’il transmet, donnant encore plus de sens qu’auparavant au concept de la série. Si Gatiss et Moffat utilisaient déjà Internet, les portables et autres moyens d’enquêtes venus avec le XXIème siècle, ce retour de Sherlock Holmes à la vie active lui impose une redécouverte plus poussée des capacités mais aussi des peurs de son pays. Les images et les preuves abondent, le tout n’hésitant pas à se rapprocher dans la mise en scène de la froideur de séries comme Person of Interest. Ce n’est certainement pas un hasard si le premier épisode se concentre sur un attentat terroriste incluant le métro londonien, rappel des tragiques évènements survenus le 7 juillet 2005.
Pour conclure, cette saison 3 peut être considérée comme celle de l’équilibre, à l’instar de celui que tente socialement de trouver son protagoniste principal. On pouvait reprocher jadis quelques baisses de rythme dont Sherlock parvient enfin à totalement se défaire. Mais il s’agit surtout de la saison de la renaissance. C’est par ailleurs le thème pivot de ces trois épisodes d’une cohérence folle. Revenu d’entre les morts, Holmes devient le phénix de l’Angleterre, un œil attentif et objectif sur l’évolution d’un monde qu’il connaît maintenant depuis plusieurs siècles. Ses sens s’aiguisent pour révéler une réalisation encore plus maîtrisée et sensorielle (notamment dans les fameux palais mentaux du héros). Si le twist final de la saison n’est pas une si grande surprise, il confirme la volonté d’une immortalité des icônes, une difficulté à avancer sans oublier le passé. Il n’est pas étonnant de voir ici et là quelques références à l’excellent Skyfall de Sam Mendès, dans lequel le célèbre espion au service de Sa Majesté James Bond subissait le même traitement. Les visages changent mais les héros sont éternels et reflèteront toujours l’époque dans laquelle ils sont dépeints. Sherlock entre donc dans une nouvelle ère, celle d’un monde ultra-surveillé tentant de dépasser les traumatismes qu’ont causés Al-Qaïda, mais aussi celle de la confirmation de son génie. De quoi nous faire attendre impatiemment la saison 4…
Retour gagnant pour Sherlock qui parvient à nous passionner une nouvelle fois tout en modifiant légèrement son cap. Steven Moffat et Mark Gatiss ont totalement compris comment faire évoluer leurs personnages et le jeu incroyable de Benedict Cumberbatch et de Martin Freeman conclut de nous convaincre. Ajoutez à cela un regard pertinent sur la paranoïa inhérente à ce début de siècle et vous devinez donc ce qu’il vous reste à faire si vous n’avez pas encore profiter de cette bouffée d’air frais dans le champ télévisuel. The game is on !
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Bon, je te fais confiance, je vais m’y mettre ! 😉
Trust me, I am the doctor !
Monsieur la personne qui a écris ce joli texte, je tenais à vous signaler la présence d’une petite coquille croquante dans le textounet, afin qu’un édit vienne corriger cette bébé-erreur avant qu’elle ne se démultiplie pour envahir notre multivers irréversiblement: ligne 7, c’est « …ils nous avaient laissés… », en espérant que la fatigue ne me fasse pas divaguer plus que de raison, Nohya.
Merci, jeune lectrice à la plume soignée.